Interview (Femina.fr)

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Rose : « Les souvenirs sous ma frange », son nouvel album

Si sur son nouvel album, « Les souvenirs sous ma frange », Rose semble penser « avec le temps va tout s’en va », une chose est sûre, Rose on n’est pas prêts de la laisser s’en aller.

Vous revenez trois ans après votre premier album. C’était important pour vous de prendre votre temps ? Par ailleurs, « De ma fenêtre » m’a semblé exprimer très bien cet entre deux entre vos albums. Est-ce le cas ?

Rose : Exactement. Pour autant je n’ai pas l’impression d’avoir pris mon temps entre les albums. J’étais en tournée jusqu’en août de l’année dernière. Et en septembre j’ai commencé à écrire. C’est là que j’ai écris « De ma fenêtre ». On regarde les gens qui vont qui viennent avec leur mal être. Tout le monde a des choses à faire et moi je savais juste que j’étais là et que je devais écrire cet album. Ça ne m’était jamais arrivé. C’était une période un peu difficile. Car pour le premier album quand j’ai eu la chance qu’on me signe, j’avais déjà écrit des chansons et j’ai écrit les autres dans cette euphorie. Là c’était différent. J’ai eu besoin de me mettre dans une ambiance de travail : j’ai acheté une guitare électrique et j’ai pris des cours.

« Chez moi » est l’une des chansons les plus émouvantes de l’album. Elle donne aussi le ton de l’album, un album une nouvelle fois très personnel.

Rose : C’est vrai que cet album parle pas mal de moi, où j’en suis, qui m’entoure, qui m’a sauvé la vie. Avec « Chez moi » je voulais présenter les protagonistes du disque. Avec la première chanson de l’album « Comment c’était déjà » je plante le décor. Grâce à ces deux chansons, tout de suite on s’imagine dans quelle atmosphère j’ai pu vivre. Une fois que j’ai installé le décor et les personnages on comprend par exemple beaucoup mieux ce qui peut se passer « De ma fenêtre »…

J’ai lu dans une interview que votre nouvel album serait plus positif. Est-ce que c’est pour ça que vous avez choisi « Yes we did » pour le premier single ? C’est l’esprit que vous avez envie qu’on retienne de l’album ?

Rose : On a choisi le morceau le plus positif mais ça n’est pas forcément mon préféré. J’espère qu’il donne envie d’écouter autre chose. C’est un petit bilan qui a l’air léger et neutre comme ça tout en faisant allusion à mon bilan à moi, à ma vie. Il n’est pas si gai que ça finalement.

Votre album parle beaucoup d’enfance, comme dans « Comment c’était déjà » ou « J’ai 18 ans ». Vous dites que vous n’avez pas le cran d’être grande. Et pourtant pour écrire nombre de vos paroles il faut avoir du cran.

Rose : Je n’ai rien à ajouter ! Ce n’est pas la même chose d’écrire des choses, de sentir qu’on a l’âge d’être grand que de l’être vraiment. Quand je regarde mon premier album pour moi c’est un album d’enfant ne serait-ce que par la façon dont je l’ai écrit. Je l’affectionne particulièrement parce qu’il m’a permis d’être là où je suis aujourd’hui mais je trouve qu’il y a beaucoup de jeux de mots pour dire « je sais écrire ». Ici j’ai essayé d’en faire moins. Dire des choses vraies c’est plus difficile. Donc je sais que je suis plus grande. Je me sens d’ailleurs beaucoup plus mûre qu’il y a trois ans. Je sais qu’il y a des choses qu’on doit faire d’autre qu’on ne doit pas faire, mais je ne me sens pas encore prête. C’est peut-être ce qui permet d’écrire toujours des chansons… Mais c’est aussi ça le problème !

« Ne partez pas » marque un tournant musicalement dans l’album. Lors de votre premier album vous expliquiez ne pas oser chanter avec beaucoup d’instruments, ça a visiblement changé. Vous semblez avoir davantage confiance vocalement.

Rose : « Comment c’était déjà » et « Ne partez pas » c’est deux chansons dont je suis très fière musicalement. J’avais envie de quelque chose de très pop dans le bon sens du terme avec beaucoup d’arrangements, des cordes, des cuivres. « Ne partez » pas c’est un vrai morceau pop, ternaire, avec des chœurs. Il marque un vrai tournant musical. On n’est plus du tout dans la folk country. C’est grâce notamment aux réalisateurs de ce disque, le groupe 1973. Ils font ce genre de morceaux qui s’envolent. C’est pour ça que je les ai choisis. Les phrases n’ont jamais autant pris de sens que quand ils ont mis les instruments dessus. La musique sert vraiment le texte notamment dans cette chanson. Ça fait mal au bide.

« Quitte moi », il fallait oser ! On pourrait dire que c’est le nouveau « Ne me quitte pas ».

Rose : Le rêve de tout artiste c’est d’avoir écrit une chanson comme « Ne me quitte pas ». Alors faute de pouvoir le faire on en rigole et on fait « Quitte moi ». Ce qui est drôle c’est que la chanson s’est finalement avérée prémonitoire…

Si votre album parle d’enfance il parle aussi de la peur de vieillir, comme « Qui peut dire » ?

Rose : C’est vrai que sans faire exprès je ne parle que du temps. C’est un album très nostalgique, mélancolique. Ça fait un an que je suis enfermée chez moi avec cet album, ça n’a pas aidé à ce que j’aille mieux j’imagine. Tant que j’avais l’album entre mes mains je ne savais pas ce qu’il valait. Il fallait que je le montre aux autres, au public. Là ça commence, le fait d’en parler, de faire des showcases on comment à avoir des retours. Ça fait du bien. La peur du temps, je ne sais pas pourquoi elle est là. Avant j’étais une fille du présent, je ne regardais jamais derrière, jamais devant. Je faisais des conneries en me disant « je m’en fous, on verra demain ». Le fait de devoir s’arrêter sur un album, j’ai creusé, je suis allée loin derrière et j’ai vu loin devant. Je n’ai pas aimé ce que j’ai vu devant mais j’ai bien aimé ce que j’ai vu derrière, c’est déjà ça. On se raccroche à ce qui compte à ce moment là, la famille, les amis, les souvenirs. Mais la chanson « Qui peut dire » n’est pas forcément une réalité. Je suis sûre que ça peut être très beau de vieillir aussi.

Vous écrivez avec beaucoup de justesse. Avez-vous déjà eu envie d’écrire autrement qu’en chansons ?

Rose : Je n’y arrive pas. Même quand j’écris en écriture automatique j’écris pratiquement tout le temps en rimes. Même mes journaux intimes quand j’étais petite étaient écrits en rimes. J’aime cette forme-là, ça encadre l’écriture dans quelque chose qui fait que j’y arrive. Si on me laisse un champ libre pour l’instant je n’y arrive pas du tout. Quelque chose comme « La lettre » de Renan Luce j’en suis incapable par exemple.

Lors de votre première tournée vous avez offert de belles reprises, de Janis Joplin notamment. Vous avez de nouvelles envies pour la scène cette fois-ci ?

Rose : J’ai surtout envie d’écrire pour les amis. On commence à me demander enfin, et moi, c’est quelque chose qui me dit vraiment d’écrire pour les autres. Les reprises j’en joue des cinquantaines mais finalement j’ai maintenant beaucoup à faire avec mes deux albums sur scène. Entre cet album-là dont j’ai presque tout envie de jouer et certaines du premier qui viendront s’insérer. Comme « Julien » ou « L’acide » que je préfère aujourd’hui a des trucs plus légers et zen, comme « Rose ». Je n’ai plus trop envie de trucs jazzy.

Vous avez des fans tout particulièrement fidèles et qui attendent votre nouvel album avec impatience. Ça vous rassure ?

Rose : Ça fait peur aussi, la peur de décevoir je l’ai au fond de moi, pour tout dans la vie, vis à vis de ses parents, de l’homme qu’on aime ou des fans aussi. Les fans ne sont pas toujours au rendez-vous au deuxième album. J’ai la chance d’avoir un petit noyau dur mais pour moi rien n’est acquis. Les fans il faut les chouchouter. Nous aussi on crée un lien avec eux.

Votre premier album se terminait par la chanson « Je ne sais plus ». Aujourd’hui vous semblez savoir davantage sans pour autant avoir perdu vos doutes. Est-ce que vous pensez que pour être artiste il faut avoir cette faille-là ?

Rose : Avant ce chamboulement dans ma vie sentimentale je me suis rendue compte que je pouvais écrire même heureuse, parce qu’au fond on n’est jamais complètement heureux. Je me nourrissais de peurs, de craintes, la peur de perdre les gens qu’on aime. Tout le monde pense que j’ai encore écrit cet album sous l’emprise de tristesse et de mélancolie alors que j’ai écrit la moitié de l’album dans un moment où tout allait pour le mieux. Il y a deux vagues de chansons et je les reconnais. Mais je crois que je préfère celles d’après car il n’y a pas besoin de chercher, de plonger. Ça grouille, il faut que ça sorte et finalement il n’y a pas plus vrai. Mais quand je le réécoute aujourd’hui je me dis quand même que j’ai du avoir une année pas terrible. Parce que là, ça va. Je ne suis pas du tout quelqu’un de neurasthénique, je me marre, je fais la fête. Du coup, cet album il me chamboule moi-même car je me rends compte dans quelle douleur j’étais cet hiver.

Propos recueillis par Isabella Monnier Leland

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